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Chronique «Ecritures»

Le it-bag de la saison : et si un panier pouvait changer notre vision du monde ? par Jakuta Alikavazovic

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Hommage à un ustensile modeste et réconciliateur, à partir duquel il est possible d’envisager une refonte de nos imaginaires.
Ici, en 1912, une Indienne par le photographie américain Edward S. Curtis (1868-1952), musée du Nouveau Monde, de la Rochelle. (Bridgeman Images. AFP)
par Jakuta Alikavazovic, écrivaine
publié le 31 mai 2025 à 7h28

Des enfants, du côté d’Angoulême, ont tressé un panier géant. Au regard du monde extérieur, de ses ravages, cette information n’a aucun intérêt. Il serait absurde d’y consacrer une chronique entière. Au regard de notre monde intérieur, cependant, peut-être ce panier géant a-t-il plus de sens qu’il n’y paraît.

Laissez-moi vous offrir une histoire de contenants et de contenus. C’est une femme admirable qui me l’a racontée, au soleil, un bol vide entre les mains ; et comme l’histoire est non moins admirable que celle qui la racontait, je me permets de vous la transmettre. C’est une histoire-bol. Une histoire-panier. Tout part d’une hypothèse, une rêverie (mais une rêverie énergique, documentée, active) de l’écrivaine de science-fiction Ursula K. Le Guin. Elle-même s’inspire d’Elizabeth Fisher, autrice d’une histoire féministe de l’évolution parue aux Etats-Unis en 1975. D’après cette dernière, le premier artefact culturel n’a pas été une arme – gourdin, lance – comme on l’a souvent affirmé ou fantasmé. Mais un contenant. Quelque chose comme un… panier. Oui. Un simple panier, au sens le plus modeste du terme – un réceptacle, un outil de portage, quelque chose qui permettait de s’en aller par les bois et de récolter de quoi se nourrir, de quoi se chauffer, de quoi se divertir. Un panier, donc. Sans cela – sans un ustensile qui pérennise la forme de deux mains jointes, précisément pour libérer nos mains – sans cela, pas de civilisation. Et Ursula K. Le Guin de s’emparer de cette ob