Un spectre hante à nouveau l’Europe, celui de la guerre terrestre augmentée d’un risque nucléaire. Certes, une guerre avait lieu à l’est de l’Ukraine depuis 2014, mais qui s’en souciait vraiment ? Bien que ces batailles aient occasionné 15 000 victimes, on parlait plutôt de «conflit», comme pour se convaincre de leur caractère régional et limité. Depuis l’invasion unilatérale de Poutine, le doute n’est plus permis : c’est la guerre, la vraie, qui est de retour sur le Vieux Continent. Pas seulement la guerre économique ou les cyberattaques dont on oublie qu’elles peuvent, elles aussi, faire des morts. Ni le soft power dans lequel on a espéré dissoudre les antagonismes propres à une mondialisation supposément heureuse. Ce qui se rejoue en Ukraine, et non plus à la périphérie du monde occidental, c’est l’alliance entre la guerre et l’horizon de la destruction totale.
Est-ce le retour du tragique dans l’histoire ? Si l’on veut dire par là que la politique n’est pas seulement faite de consensus ou de compromis et que le droit ne peut venir à bout de tous les antagonismes, l’hypothèse est légitime. Depuis le XVIIIe siècle, la guerre générale est le grand impensé du libéralisme qui considère que le «doux commerce» est toujours en mesure, par les vertus du contrat et de la logique des intérêts, de venir à bout des co