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Chronique «Points de vie»

L’école de demain doit rompre tout lien avec le travail, par Emanuele Coccia

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Face à un monde transformé et soumis à une accélération de l’information, le travail est en voie de disparition. De nouveaux lieux d’apprentissage, plus libres, collectifs et dé-hiérarchisés sont indispensables pour nous orienter dans le monde, estime le philosophe.
«Il est plus qu’urgent de réformer l’école, toutes les écoles, mais surtout les universités.» Ici, l'auditorium de l'université de Rennes-I, en 2021 durant le Covid. (Damien Meyer/AFP)
par Emanuele Coccia, Philosophe, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess)
publié le 29 avril 2023 à 6h51

Le terme «école» vient d’un mot grec qui signifie «absence d’occupation». En latin, le même concept était exprimé par le mot otium, «oisiveté», l’absence totale de négoce, d’affaires, de tâches, de commerce. L’école n’est plus cela depuis des siècles. C’est un espace où le savoir est un devoir, un métier, et où tous les savoirs doivent préparer les élèves au travail. Jamais l’école n’a eu besoin de revenir à l’idée exprimée par son nom même.

Nous vivons dans un monde où le travail disparaît. Pas seulement dans le sens où il devient de plus en plus une denrée rare. C’est surtout l’idéal du travail lui-même qui disparaît. Ce que l’on appelle aux Etats-Unis «la Grande Démission», le renoncement à faire du travail l’horizon définitif et exclusif de son identité, est désormais un phénomène omniprésent dans les sociétés occidentales. Il ne s’agit pas d’une lubie des jeunes générations : la richesse n’est plus produite par le travail, et le travail n’apporte plus la prospérité qu’il avait toujours promise. Tout emploi, toute occupation est devenue