Menu
Libération
Chronique

Les enseignements de l’économie de guerre, par Michaël Fœssel

Article réservé aux abonnés
Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Si la guerre rend nécessaire une adaptation économique à la hauteur de l’enjeu, ne devrait-on pas s’inspirer de ce processus pour envisager de façon raisonnable et immédiate la catastrophe écologique ?
Antony Blinken, secrétaire d'Etat américain, et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, sur le site du fabriquant d'armes Nexter-KNDS, à Versailles, le 2 avril. (Arthur N Orchard/Hans Lucas. AFP)
par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 11 avril 2024 à 6h39

Les difficultés d’approvisionnement en armes de l’Ukraine montrent que le «réarmement» invoqué par Emmanuel Macron n’est pas seulement «moral» ou «démographique». Depuis plusieurs mois, on parle en Europe du passage nécessaire à l’économie de guerre. Devant les industriels de l’armement, le Président a appelé les fabricants d’armes à un sursaut, mettant en cause une «forme d’engourdissement» dans la production d’obus et de canons destinés à Kyiv.

L’opportunité du passage des pays de l’Union européenne dans une économie de guerre pose une série de problèmes qui se laissent en définitive ramener à un seul : un Etat peut-il réorienter son économie vers la guerre sans entrer lui-même en guerre ? Cette question relève des «ambiguïtés stratégiques» dont parlait Macron. L’aide militaire accordée à l’Ukraine agressée par la Russie est légitime, son intensification est devenue nécessaire. Comment faire pour accroître cette aide sans entrer dans la mécanique irrésistible d’un conflit généralisé ? Faute de pouvoir clairement répondre à cette question, l’UE se meut dans une ambiguïté qui, à l’heure actuelle, est sans doute inévitable.

Mais la réorientation, même partielle, vers une économie de guerre permet de tirer d’autres leçons qui ont l’avantage d’être moins angoissantes. «Réquisition», «mobilisation de la main-d’œuvre», «planification», «investissements publics massifs» : il y avait long