On peut dire que le livre de Nicholas Mulder sur l’histoire des sanctions économiques, The Economic Weapon (1), tombe à pic. L’ouvrage retrace les origines de l’utilisation de «l’arme économique» dans les conflits internationaux au cours des premières décennies du XXe siècle. Persuadés (à tort) de la contribution décisive du blocus contre les puissances centrales à la victoire de 1918, les alliés ont envisagé la généralisation des restrictions aux échanges commerciaux et financiers comme une alternative à la guerre pour gérer les tensions internationales. La mesure a ainsi été inscrite dans le pacte établissant la Société des Nations (SDN) et les sanctions économiques ont constitué un moyen de discipliner les pays qui souhaiteraient entrer en guerre.
Si ces mesures étaient supposées pouvoir être appliquées «sans verser une seule goutte de sang», elles n’étaient toutefois pas pensées comme indolores. Au contraire, c’est bien en raison des souffrances infligées aux populations civiles (le blocus a causé la mort de 300 000 à 400 000 personnes en Europe centrale, 500 000 dans l’empire ottoman) que les sanctions étaient jugées efficaces. L’aspect dissuasif était lui aussi supposé agir dans le sens de la pacification des relations internationales. La menace de sanctions s’adressait non seulement aux dirigeants tentés par une politique d’agression, mais aussi aux populations vues alors comme bellicistes.
Entre belligérance et neutralité
La mise en place de l’arme économique a brouillé la distinc