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Chronique

L’étreinte pour salut, par Lola Lafon

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Les moins de 30 ans s’étreignent pour se saluer. Et si c’était un acte, une proposition : celle d’accueillir l’autre, de s’allier, de faire bloc ? Un antidote à la tentation du désespoir.
Lors d’un rassemblement en soutien à l’occupation du théâtre national La Colline, après la pandémie de Covid-19. (Xose Bouzas/Xose Bouzas)
par Lola Lafon, écrivaine
publié le 13 juin 2025 à 14h33

Cette chronique est dédiée à ces inconnu·e·s que je croise quotidiennement, à ces jeunes adultes, presque encore adolescent·e·s, des silhouettes entraperçues au gré d’une rue, sur un quai de métro, à la terrasse d’un café. Qu’ils le sachent : ces temps-ci, ils sont un antidote à la tentation du désespoir, de l’affaissement, d’un accablant sentiment de no future. Et ça n’est pas leur jeunesse que je leur envie, mais une façon d’être, un geste qu’ils et elles échangent. Si nos parents se serraient la main quand ils se retrouvaient entre ami·e·s, si nous nous sommes plié·e·s à la cérémonie de la bise, les moins de 30 ans, eux, s’étreignent pour se saluer.

Regardez-les : les voilà qui s’ouvrent les bras, qui se serrent les uns contre les autres dans un bref corps à corps, mettant fin à cette virilité surjouée des hommes qui ne s’autorisent, pour se dire bonjour, que la bourrade, la tape sur l’épaule, ceux qui ne parviennent à montrer leur affection qu’en simulant le combat. On me dira que cet usage nouveau n’est qu’une importation étasunienne, où on se «hug» à tout va ; peut-être, mais j’aime croire que s’étreindre est un acte, une proposition : celle d’accueillir l’autre, de le reconnaître proche sans forcément l