Certaines images semblent parfois avoir une volonté propre. Une intention bien à elles, qui contredit même, dans certains cas, la volonté de leurs auteurs. Et c’est là, dans cette tension entre ce que l’image est censée faire et dire et ce qu’elle fait et dit en réalité, que s’exprime au mieux l’impensé d’une époque. Cette façon que peut avoir une image de trahir – et même de mordre – la main qui l’a créée, j’y ai été sensibilisée par certains écrits de l’immense historien de l’art américain Alexander Nemerov.
A propos des scènes de réjouissances représentées (notamment par le grand propagandiste de l’American way of life que fut Norman Rockwell) sur le thème du retour des GI en 1945, après la Seconde Guerre mondiale, Alexander Nemerov révèle toute l’incertitude et la tristesse contenues dans ces images qui se veulent gaies, optimistes, volontaristes… et ne sont que funèbres.
Ainsi de ces photographies de portes d’entrée, décorées pour l’occasion : ce qu’on y voit, en réalité, ce sont moins les couronnes et les affichettes «Welcome home» que de grands rectangles noirs, comme endeuillés. Les soldats rentrent peut-être pour certains ; mais la vie d’avant, le monde d’avant, eux, sont bel et bien finis. Cela, les images de l’époque l’admettent parfois plus volontiers que ceux qui les ont conçues.
L’esprit humain est une drôle de chose. Et ses associations en apparence les plus saugrenues méritent qu’on s’y attarde. Moi, j’ai pensé à cela – à ces images qui sont plus é