Cet été, un jour de juillet presque comme les autres, mes pas m’ont mené devant un hôpital, où je suis entré volontairement. Après avoir obtenu des autorisations psychiatriques et médicales, avoir signé des consentements éclairés m’avertissant des dommages et des préjudices, ainsi que de l’irréversibilité du processus, j’ai posé mon corps sur une table en acier, et j’ai laissé un groupe de chirurgiennes changer la forme de mon torse pour toujours.
L’opération visait à retirer deux protubérances qui avaient poussé autour de mes aréoles lorsque j’avais 16 ou 17 ans et qui, pour les autres, étaient le signe définitif et irréfutable d’une féminité à laquelle je ne m’étais jamais identifié, et dont même les autres en venaient à douter, lorsqu’ils constataient ma résistance à tout ce qui était socialement considéré comme féminin. Les autres n’hésitaient pas à appeler «seins» ces convexités autrement discrètes, bien que pour moi, et en dehors du regard et du langage hétéro-patriarcaux, elles n’aient jamais été des organes plus féminins que mes pieds ou mes oreilles. J’avais de la chair autour de mes aréoles, mais je n’avais pas exactement des seins de femme. Le langage patriarcal et la violence du regard hétérosexuel kitsch nous privent de l’expérience sensuelle de la peau comme terminaison nerveuse qui rencontre le monde, transforment le corps vivant en objet anatomique genré et neutralisent son pouvoir de rébellion. Tel est le paradoxe : j’ai dû subir une intervention chirurgicale