Visages patibulaires et mal rasés, mines sinistres. Et des noms pas de chez nous, parfois imprononçables : Grzywacz, Witchitz, Alfonso… Des identités allogènes, collées contre les murs : «communiste italien», «Juif hongrois», «Espagnol rouge». La racaille de l’époque – il y a 80 ans, en février 1944 : les services de propagande allemands placardaient ce que la chanson de Léo Ferré, en 1961, allait appeler l’Affiche rouge, qui dénonçait ces «terroristes», membres de «l’armée du crime». Tous immigrés, tous communistes, le plus souvent juifs, comme le développe le texte d’un tract qui reproduit l’affiche : si quelques bons français égarés commettent parfois des actes de «terrorisme» (le nom que Vichy et les nazis donnent à la Résistance), «ce sont toujours des étrangers qui les commandent, ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent». Déjà cette obsession de l’étranger et du chômeur, incarnation, avec le Juif, de «l’anti-France».
C’est la police française, la Brigade spéciale numéro 2 de la préfecture de police de Paris qui, après avoir arrêté 59 jeunes résistants juifs – dirigés par Henri Krasucki, futur secrétaire général de la CGT, puis 71 Juifs combattants des FTP-MOI (francs-tireurs partisans –