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Manouchian et son groupe ne se sont pas battus pour cette «France à l’envers», par Johann Chapoutot

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Attention à la confusion permanente de grands discours creux. Les 23 résistants fusillés au Mont-Valérien ne sont pas morts pour la «loi immigration», la fin du droit du sol ou la destruction des services publics…
Monument en hommage au groupe Manouchian, portrait en bronze de Missak Manouchian, au cimetière d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 9 février 2024. (Amaury Cornu/Hans Lucas. AFP)
publié le 21 février 2024 à 6h46

Visages patibulaires et mal rasés, mines sinistres. Et des noms pas de chez nous, parfois imprononçables : Grzywacz, Witchitz, Alfonso… Des identités allogènes, collées contre les murs : «communiste italien», «Juif hongrois», «Espagnol rouge». La racaille de l’époque – il y a 80 ans, en février 1944 : les services de propagande allemands placardaient ce que la chanson de Léo Ferré, en 1961, allait appeler l’Affiche rouge, qui dénonçait ces «terroristes», membres de «l’armée du crime». Tous immigrés, tous communistes, le plus souvent juifs, comme le développe le texte d’un tract qui reproduit l’affiche : si quelques bons français égarés commettent parfois des actes de «terrorisme» (le nom que Vichy et les nazis donnent à la Résistance), «ce sont toujours des étrangers qui les commandent, ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent». Déjà cette obsession de l’étranger et du chômeur, incarnation, avec le Juif, de «l’anti-France».

C’est la police française, la Brigade spéciale numéro 2 de la préfecture de police de Paris qui, après avoir arrêté 59 jeunes résistants juifs – dirigés par Henri Krasucki, futur secrétaire général de la CGT, puis 71 Juifs combattants des FTP-MOI (francs-tireurs partisans –