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Chronique «Médiatiques»

Mazan, au-delà du monstrueux, par Daniel Schneidermann

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Après quarante-huit jours et quelque 50 témoignages du procès des viols, comment les professionnels de la chronique judiciaire expriment-ils le hors norme ? Les citations s’imposent, les guillemets s’ouvrent et se referment à toute allure.
Gisèle Pelicot au palais de justice d'Avignon, le 20 novembre 2024. (Christophe Simon/AFP)
publié le 24 novembre 2024 à 7h06

Pour un chroniqueur judiciaire, comme pour un reporter de guerre, le monstrueux est l’aliment habituel. Après quelques années d’expérience, il ou elle s’est généralement bricolé son propre mode de cohabitation, son pacte obligatoire, avec le monstrueux. Mais il rencontre parfois plus monstrueux que le monstrueux habituel. Un monstrueux hors normes, qui le bouscule dans son atroce zone de confort. Comment exprimer ce «hors norme» ?

Comment signifier à sa lectrice, à son lecteur : si habitués que vous soyez, faites l’effort de lire, ce que je vais vous raconter est hors norme ! Il sait que le signifier simplement, sursolliciter l’adjectif monstrueux, ne suffirait pas. Il a parfois recours à une inflation d’adjectifs. Parfois au contraire, évitant radicalement tout qualificatif, il s’accroche au factuel glacé, au factuel implacable, en espérant que le lecteur comprendra, ressentira, ne prendra pas cette sécheresse pour de l’insensibilité.

Evidence : un objet hors norme exige une forme hors norme. Et de préférence, une forme non préméditée, une forme qui surgit toute seule sous la plume, sans que l’auteur se soit demandé : comment vais-je bien raconter ce sujet hors norme ? En général, cette tentative est sans précédent, et sans lendemain. Le mausolée au monstrueux restera unique en son genre. En BD ou en littérature, Maus de Art Spiegelman, ou Si c’est un homme de Primo Levi, en sont de bons exemples.

A la fin des quarante-huit jours et des 50 témoignages du procès d