Les chefs d’Etats sont traditionnellement très vigilants à ne pas se laisser photographier ou filmer en train de manger. Dieu sait pourquoi, l’image de la consommation d’un repas n’est pas considérée comme compatible avec l’image du pouvoir. Trop commun ? Trop trivial ? Un rappel incongru de la condition de mortel ? Aucune image n’existe de Hitler, ou de Mussolini, ou de Staline, ou de Mao, ou de De Gaulle, en train d’engloutir choucroute, spaghetti, nems, ou mimolette. Et plus proche de nous, parmi les dirigeants «normaux» des démocraties contemporaines, malgré les réseaux sociaux, pas davantage. Peut-être aussi leurs escouades de communicants redoutent-elles la naissance d’images pouvant illustrer jusqu’à la fin des temps des articles sur le thème de la gloutonnerie, de la voracité, ou de l’indigestion.
Première raison pour laquelle le Gorbatchev en aparté récemment diffusé sur Arte, et toujours disponible en replay, apparaît comme une transgression violente. Outre une longue scène de repas à la russe, avec une grande variété de zakouski, les scènes de grignotage du nonagénaire dernier président de l’URSS scandent le documentaire. Mastication, grignotage, engloutissement : c’est l’être humain «Mikhaïl Sergueïevitch» (ainsi l’appelle son entourage), que nous montre ce documentaire. Un être humain avec toutes ses misères physiques, avec ascenseur intérieur dans sa datcha (offerte par les présidents reconnaissants des ex-Républiques de l’URSS), et déambulateur jamais tr