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Libération
Chronique «Ré/jouissances»

Mon désarroi face à la montée du RN, par Luc Le Vaillant

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Elections législatives 2024dossier
La prise de conscience de l’imminence de la menace xénophobe laisse démuni et engendre parfois une inutile culpabilité chez les électeurs de gauche.
Des militants soutenant Jordan Bardella le soir des élections européennes, à Paris, le 9 juin. (Denis Allard/Libération)
publié le 25 juin 2024 à 0h10

L’autre jour, après la dissolution de l’Assemblée, je trottinais sur les remparts entourant une jolie bourgade des Hauts-de-France. Montreuil-sur-Mer est une sous-préfecture bâtie en citadelle. Elle a l’art de charmer les Anglais, de raviver le souvenir de Victor Hugo et de permettre d’usiner des métaphores voltigeuses. Le chemin de garde surplombe la campagne environnante, verdoyante à ravir et largement acquise au RN. De loin, cela permet aussi de toiser la station balnéaire du Touquet où le président dissolvant prend régulièrement ses quartiers dans la maison de sa belle-famille. Engagé sur ce sentier altier, on se sent facilement citoyen à la foulée avisée, électeur aux pieds ailés, décodeur à la perspicacité jamais atteinte par les rhumatismes idéologiques. Tout à coup, une rubalise barre la voie. Il ne sera pas dit qu’un interdit rouge et blanc puisse m’arrêter. Et je poursuis jusqu’à découvrir le désastre : le sentier a réellement versé dans l’abîme. La muraille des évidences a dévalé la pente et le château des certitudes a perdu sa carte chance. Et c’est ainsi que j’ai enfin réalisé que le RN était aux portes du pouvoir. Je n’y croyais pas vraiment avant de faire face au vide. Le vertige m’a alors brouillé tout repère, me laissant démuni comme jamais.

Ça fout la honte. D’ordinaire, j’ai le patriotisme peu formaliste. Mais l’idée qu’un Premier ministre bleu Marine puisse, au nom de la France, accueillir