Je suis la gauche des années 20 et je suis au 36e dessous, loin des espoirs de 36 et de 81, du Front populaire comme du Programme commun. L’alliance électorale de mes moutons roses, verts et rouges n’est plus qu’un songe creux. Chez moi, ça brame d’appels désespérés à l’union de mes cabris récalcitrants, de mes laineux de plus en plus haineux. Mais aucun des bergers et bergères présumés n’a le bâton magique, ni la houppelande enveloppante. Et mes doux agneaux se balancent de tels coups de sabots idéologiques dans les naseaux que je doute à jamais d’une réconciliation générale. J’ai beau me dire qu’on pourrait s’en tirer en élaborant 110 propositions, en poinçonnant un ticket femme-homme pour l’Elysée-Matignon ou en mettant en place un «shadow cabinet» œcuménique, je suis plus que dubitative sur ma capacité à fédérer mes féroces forces vives.
Je suis la gauche d’aujourd’hui et je patauge dans une panade encore plus abyssale qu’en 2002 quand le vieux Le Pen avait claqué le beignet de Jospin. La solidité théorique et la rectitude sociale du trotskiste défroqué me manquent. Cela fait courir comme un frisson de mélancolie le long de mon échine aux vertèbres assouplies qui n’effraie plus aucun bourgeois et n’a jamais rien eu à voir avec la célèbre colonne Durruti, celle des anarchistes de la guerre d’Espagne.
Je suis une gauche de compétition qui aime arriver aux affaires et exercer le pouvoir. Je ne me contente pas d’un magistère moral ou d’une contestation pavlovienne. Je dét