Un étrange préjugé et une obsession semblent animer, de manière transversale, le monde intellectuel européen : celui selon lequel il faudrait, enfin, se débarrasser de l’économie. Non seulement de la forme que la modernité ou le monde contemporain lui a donnée, non seulement du capitalisme ou de la finance, mais de l’économie en général. La tâche suprême de la politique est désormais de se débarrasser de l’économie, et donc de rendre la sphère politique autonome et pure, de la libérer de tout besoin de manipuler, de transformer le monde. Il est difficile d’imaginer une révolution plus grande que les idées qui habitaient le continent depuis des siècles.
Le marxisme, en effet, présupposait toujours la primauté de l’économique sur le purement politique. Il y aurait dans le travail quelque chose qui est à la fois la genèse de toutes les apories et injustices politiques mais aussi le moyen de leur dépassement. C’est pour cela que la dynamique politique est née dans l’économie et s’y est dissoute. Il ne s’agissait pas de dépasser l’économie, mais d’opposer à l’économie capitaliste une autre forme d’économie.
Or, aujourd’hui, tout semble conspirer vers la nécessité opposée : en premier lieu, le monde écologique qui, constatant les massacres des dernières décennies, semble nous inviter à penser qu’il est possible de réaliser tout ce que l’