A l’heure où une polémique hallucinante met aux prises le monde de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et sa ministre de tutelle autour d’un concept scientifiquement vide, nous voici confronté·e·s à un nouvel outil, celui du «ressenti». Comme les températures, l’islamo-gauchisme bénéficiera désormais de deux échelles de mesure : celle des sciences sociales, basées sur des méthodes d’observation, un terrain, des données analysées et des résultats publiés et accessibles à tou·te·s, et la méthode consistant à humer l’air des campus désertés pour conclure à l’invasion de théories menaçant le vivre-ensemble. Dans ce contexte franchement délétère, il serait bon, réconfortant même, de nous consoler d’être si mal aimé·e·s de notre ministre en retournant à nos affaires. Celles de ma discipline consistent notamment à aller aux archives y chercher le matériau de base à l’élaboration d’un savoir historique, certainement pas «indubitable», mais, plus modestement, vérifiable et étayé par la lecture critique et l’analyse croisée des sources.
Or, ce retour aux sources, ce goût de l’archive, nous en sommes de plus en plus privé·e·s. Lorsque l’on travaille sur le XXe siècle, en particulier sur la Seconde Guerre mondiale ou la guerre d’Algérie, mais en réalité sur de nombreux sujets postérieurs à 1934, la possibilité de consulter des documents classés «secret-défense» mais ayant dépassé les délais d’incommunicabilité prévus par la loi, est devenu problématique, nécessitant une lo