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Chronique «Médiatiques»

Nouméa : «habitants» contre «barbares», par Daniel Schneidermann

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Qui a dit que la question calédonienne était compliquée ? Sur les plateaux télé de BFM ou de CNews, c’est simple : l’habitant est blanc, propriétaire, civilisé, et s’organise en milices pour aider la police.
Sur le parking d'une concession Renault-Dacia à Nouméa, le 17 mai. (DELPHINE MAYEUR/AFP)
publié le 19 mai 2024 à 11h15

«Pour être clairs, ce sont bien des gens comme nous ?» s’enquiert la présentatrice de BFM TV. Il est question des miliciens caldoches qui se sont organisés en groupes d’autodéfense contre les pillages et, parfois équipés d’armes à feu, tiennent les barrages. Mais oui, confirme l’envoyé spécial à Nouméa. Totalement comme nous. Pas le moins du monde paramilitaire. Juste blancs. Propriétaires de leurs pavillons, de leurs maisons, de leurs magasins, de leurs garages, qu’ils protègent contre les saccages.

Le lendemain, sur la même chaîne, en chair en os et en visio, un témoin «comme nous». Tellement «comme nous» qu’il porte même un nom : Philippe Vadé. Il explique comment s’organisent des milices caldoches. «Les gens se sont constitués en milices pour aider les forces de l’ordre. Avec des battes de baseball et des barres de fer.» Armées ? Non non, rassurez-vous. Rien d’autre que les battes et les barres. Pour autant, la chaîne ne le désigne pas comme un «Caldoche», un «anti-indépendantiste» ou un «loyaliste». Encore moins comme un «milicien anti-indépendantiste». Non. Simplement comme «un habitant».

Imparable : en effet, il habite sur place. Les présentateurs Truchot et Marshall pourraient, certes, pour le situer, préciser sa profession (une recherche express permet de découvrir qu’il vend des olives de Grèce, d’Italie et du Pérou, importées par super conteneurs, et transformées sur place.) Donc, sans même prononcer le gros mot d’«économie de comptoir», on pourrait le