«On me demande de m’intéresser à la vie des autres, quand je suis en train de perdre la mienne.» C’est Georges Pompidou, dans les dernières semaines de son agonie à l’Elysée, qui bougonne cette confidence désespérée à l’un de ses ministres. Et on croit réentendre cette voix sourde en recevant en pleine figure, un beau matin, le coup de poing de l’opération de commando éditoriale autour du livre de Nicolas Demorand sur sa bipolarité (Intérieur nuit, les Arènes). «Sachez, amis auditeurs […] que je suis un malade mental, balance l’anchorman de France Inter dans son billet matinal. C’est cru, c’est violent à dire et sûrement à entendre, mais je ne veux plus le cacher ni me cacher.»
Ainsi donc, cette voix statutairement gorgée de soleil et de joie de vivre, qui tente chaque matin de faire avaler aux «amis auditeurs» leur cuillerée de chaos du monde, cette voix du matinalier le plus écouté de France, il faut maintenant y chercher les traces de cet «honorable combat à mener contre soi-même» comme disait un autre président agonisant, François Mitterrand, cette fois à propos de son cancer. Combat contre ses «ups» et ses «downs», contre cette douleur psychique qui «n’a pas d’origine, n’a pas d’issue, n’a pas de sens, et ne sert à rien»