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Libération
Chronique «Historiques»

Passeuses d’histoire

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En 1963, l’archiviste Edith Thomas restituait le parcours de 282 femmes communardes dans son livre «les “Pétroleuses”». Une réédition, préfacée et enrichie par la journaliste Chloé Leprince, redéfinit les frontières sociales et sexuées de cet événement.
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par Clyde Marlo Plumauzille, Historienne, chargée de recherches au CNRS
publié le 10 mars 2021 à 23h17

Il y a 150 ans, l’insurrection parisienne de la Commune (18 mars-28 mai 1871) et sa tentative d’un gouvernement horizontal du peuple ouvrent une brèche dans «le continuum de l’histoire» (Walter Benjamin), de celles qui provoquent un accroissement soudain du pouvoir partagé, une ouverture phénoménale des possibles qui résonnent jusqu’à nous (1). Hommes et femmes du commun s’y sont engagés avec un même sentiment de prendre part au monde comme jamais, au point de «vivre la lutte si complètement, qu’on n’est plus soi-même qu’un projectile» pour emprunter les mots de Louise Michel dans la Commune (1898). Pourtant, ces dernières demeurent régulièrement absentes des récits historiens, peut-être trop longtemps écrits au neutre masculin pour se départir si facilement de leurs ornières, et c’est à la ténacité de passeuses d’histoire que l’on doit la possibilité de penser au XXIe siècle la Commune avec ses communardes (2).

Ces passeuses ont leur pionnière en l’historienne et archiviste Edith Thomas qui, à la faveur de son ouvrage les «Pétroleuses» rédigé au tournant des années 50-60, s’est acharnée à retrouver les traces des femmes de la Commune pour lutter contre la pesante condescendance des «silences de l’histoire» (Michelle Perrot). Pour cela il fallait aller au-delà du stigmate misogyne de «