L’autre jour, j’ai pleuré dans la rue. C’est arrivé, comme ça. Je sortais du cabinet vétérinaire où j’avais emmené mon chat, et le vétérinaire m’avait confirmé ce que je redoutais : le chat n’allait pas s’en tirer comme ça. En fait, le chat n’allait pas s’en tirer du tout. En 2009, une femme, aux yeux très bleus et au regard très doux, avait posé dans mes paumes une petite boule duveteuse, et c’était mon chat. Mon chaton. Elle vivait à la campagne, deux portées venaient de naître simultanément dans son jardin, et, comme elle le dit elle-même, elle n’avait pas le cœur à les… Ce chaton, je l’avais accepté. Ou, plus exactement, j’avais refusé le sort qui l’attendait. Une fois chez moi je l’avais regardé faire quelques pas dans le couloir, avec son petit dandinement de petite bête qui ne comprend rien au monde, sinon qu’il est grand, très grand – ou alors, que c’est elle qui est minuscule. Le chaton avait l’air de se rendre peu à peu compte qu’il était sans défense. C’était adorable. Un peu terrible, aussi. Je m’étais demandé si je n’avais pas fait une erreur, si je saurais l’aimer. Ce premier soir, j’ai d’ailleurs cru l’avoir perdu. J’ai cherché partout : nul chaton, nulle part. Un ami américain a offert de me prêter main-forte. C’était la première fois qu’il venait chez moi, cet ami. Il a eu l’air impressionné, ou peut-être horrifié, par le nombre de choses, et notamment de livres, que j’avais réussi à escamoter sous le lit. Bref – le chaton, lui, était caché dans la penderie.
Chronique «Ecritures»
Pleurer dans la rue
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publié le 5 décembre 2021 à 8h34
Enquête Libé
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