On dit que la ville a capitulé à la fin de l’été : le 24 août 410 après un siège très court, Rome, la ville qui avait construit un empire et subjugué la Méditerranée est humiliée et mise à sac pendant trois jours entiers par les troupes wisigothiques commandées par Alaric. Il ne s’agit pas seulement d’une défaite militaire : c’est le premier signe clair de la chute d’une institution politique qui semblait immortelle parce qu’elle avait inventé des formes inégalées. C’est d’ailleurs de ce même empire aujourd’hui enterré que les Etats européens modernes ont hérité la technique de production des formes sociales que nous avons l’habitude d’appeler «le droit». C’est pourquoi, c’est moins la guerre qui a effrayé les commentateurs de l’époque qu’un doute, plus insidieux et difficile à dissiper, sur la fragilité des institutions politiques en tant que telles et le sens de leur disparition.
Ce qui semblait révolu, en fait, ce n’était pas un seul Etat, mais l’idée même de politique. «Le monde entier meurt dans une seule ville», écrivait l’un des grands intellectuels de l’époque.
Seize siècles plus tard, ce doute brûle encore dans nos consciences. Quand et comment un Etat meurt-il ? Et qu’est-ce que cela signifie pour la vie d’un peuple ? Subsiste-t-il encore après la fin de l’institution qui en avait fait une réalité politique ? En effet, on pourrait pense