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Chronique «Historiques»

Quand le marasme fait l’histoire

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La «marche sur Rome», il y a tout juste cent ans, et l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne en 1933 sont des exemples de «crises» qui représentent en réalité des moments de bascule ayant signé une lente dégradation du contrat politique.
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publié le 30 mars 2022 à 23h05

Les historiennes et historiens s’interrogent souvent sur les moments de bascule, en se demandant d’ailleurs quel est le bon terme : basculement ? Glissement ? Rupture franche et nette ? Lent étiolement ? Les usages du terme de «crise» en témoignent : étymologiquement, c’est un moment court et décisif qui distingue deux états (la subite montée de fièvre qui va décider du sort du patient, guéri, ou mort), alors que l’on a tendance à qualifier ainsi de longs moments de marasme, parfois sur des décennies : «crise» économique, au lieu de «récession», de «dépression» ; «crise» politique, «crise» des institutions, pour désigner une lente dégradation du contrat politique.

La question se pose pour ces moments paradigmatiques, particulièrement lourds de conséquences, qui ne cessent d’intéresser : la progressive fascisation de l’Italie, entre 1919 et 1926, dont le moment le plus symbolique, la «marche sur Rome» s’est déroulée il y a presque cent ans, à l’automne 1922 ; l’arrivée au pouvoir des nazis, et leur invasion des institutions allemandes, leur subversion du régime déjà autoritaire – car présidentiel (depuis 1930) – entre janvier 1933 et août 1934. Elle se pose aussi à propos des contemporains, témoins, badauds ou acteurs publics : que voyaient-ils ? Que comprenaient-ils ? Que saisissaient-ils ?

Question réflexive, forcément, pour nous : contemporains d’autre chose, nous attendons que l’histoire nous aide à le qualifier, à le reconnaître, à le nommer.

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