Les historiennes et historiens s’interrogent souvent sur les moments de bascule, en se demandant d’ailleurs quel est le bon terme : basculement ? Glissement ? Rupture franche et nette ? Lent étiolement ? Les usages du terme de «crise» en témoignent : étymologiquement, c’est un moment court et décisif qui distingue deux états (la subite montée de fièvre qui va décider du sort du patient, guéri, ou mort), alors que l’on a tendance à qualifier ainsi de longs moments de marasme, parfois sur des décennies : «crise» économique, au lieu de «récession», de «dépression» ; «crise» politique, «crise» des institutions, pour désigner une lente dégradation du contrat politique.
Dernier épisode
La question se pose pour ces moments paradigmatiques, particulièrement lourds de conséquences, qui ne cessent d’intéresser : la progressive fascisation de l’Italie, entre 1919 et 1926, dont le moment le plus symbolique, la «marche sur Rome» s’est déroulée il y a presque cent ans, à l’automne 1922 ; l’arrivée au pouvoir des nazis, et leur invasion des institutions allemandes, leur subversion du régime déjà autoritaire – car présidentiel (depuis 1930) – entre janvier 1933 et août 1934. Elle se pose aussi à propos des contemporains, témoins, badauds ou acteurs publics : que voyaient-ils ? Que comprenaient-ils ? Que saisissaient-ils ?
Question réflexive, forcément, pour nous : contemporains d’autre chose, nous attendons que l’histoire nous aide à le qualifier, à le reconnaître, à le nommer.
L’hypothèse Hitler ? Une hypothèque à lever
En Allemagne, en 1933, bien des