Je suis le périphérique et je ne donne pas cher de ma peau goudronnée, usée par les pneus carbonés et menacée par la panique climatique. Je suis l’anneau de béton qui a passé la bague au doigt de la capitale voici plus de cinquante ans. Mais il me faut admettre que nos noces d’or sentent le roussi. Anne Hidalgo, la maire de Paris, a décidé de réduire encore la vitesse autorisée aux véhicules qui me roulent sur le dos et me passent dessus depuis un demi-siècle. Cela a commencé à 90 km/h et, début octobre, nous serons rendus à 50 km/h. Je sens que bientôt les chevaux-vapeur se traîneront au pas du laboureur et que mon enrobé refleurira en gazon béni. Et cela ne manque pas de m’ulcérer tant je suis un héritier des Trente Glorieuses et de l’auto star.
Je dois confesser que je n’ai pas détesté l’époque héroïque où j’allais bras dessus bras dessous avec les cabriolets de la croissance opulente et les limousines de la dépense sans frein. Je me parfumais au gasoil et je faisais la noce avec les chauffeurs poids lourds. Je me sentais en phase avec ces seigneurs de la route qui, le coude à la portière, étaient encore les seuls à porter des tatouages sur leurs biceps quand chacun désormais peut s’encrer de bleu, se la raconter affranchi et s’imaginer bagnard ou cap-hornier. J’aimais aussi les fêlés