J’étais porté disparu, et cela laissait les enfants du XXIe siècle froids comme le marbre des statues dressées à la gloire de mon ancienne progéniture. Ils avaient oublié ma nocivité, et me revoilà, moi, l’empire, le pire du pire. Je suis toujours aussi mégalo et parano, aussi imprévu et malotru, et encore plus méchant qu’avant.
L’histoire m’avait enseveli sous la housse poussiéreuse des temps anciens. On m’avait relégué à jamais sur les rayonnages du magasin aux accessoires. J’y cultivais mon spleen aux côtés des plus fières de mes créatures : César le Romain, Charlemagne le pré-Européen et surtout Napoléon, le fossoyeur de la révolution de 1789, mais aussi le producteur de fictions à même d’exalter un génie que les Français se gardent bien désormais de mettre en vitrine.
Pour tout le monde, l’empire était une forme d’organisation datée, une cuirasse géopolitique rouillée et grinçante, démantibulée par la démocratie individualiste, le libre-échange consumériste et le multilatéralisme poli. Et me voilà de retour, fort de mon archaïsme agressif et fier de mes hackeurs et de mes influenceurs, de la numérisation de ma stratégie et de l’hybridation de mes armements.