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Libération
Chronique «Ecritures»

Quelque chose en nous de Jay Gatsby, par Jakuta Alikavazovic

Marquée par la lecture du livre de F. Scott Fitzgerald dès son plus jeune âge, l’écrivaine affiche sa «parenté» avec le personnage de «Gatsby le Magnifique» qui fête ses 100 ans cette année.

L’acteur Robert Redford dans le rôle titre de «Gatsby le Magnifique» de Jack Clayton (1974). (Photo12. AFP)
ParJakuta Alikavazovic
écrivaine
Publié le 03/05/2025 à 10h00

Vous et moi, peut-être avons-nous un aïeul commun. Un grand-père, disons. Ou un arrière-grand-père. Un arrière-grand-oncle ? Qu’importe. Il vient de fêter ses 100 ans. Pourtant, de cet aïeul, aucune trace dans nos patrimoines génétiques. Il est vrai que ceux-ci ne sont responsables que d’une portion étroite de nos identités. Qui doivent au moins autant à l‘ADN qu’à d’autres figures, d’autres influences. De lui, que pourrions-nous avoir reçu en partage ? Qui un certain idéal. Qui sa faculté d’émerveillement. De ressemblance physique, cependant, il ne peut être question entre nous. Nous n’avons pas ses yeux. Mais nous avons peut-être son regard, qui se perd à certaines heures, en fin de journée, à l’horizon, en quête d’une lueur réelle ou imaginaire.

Il vient de fêter ses 100 ans, donc. «James Gatz», sur son acte de naissance ; mais on le connaît plutôt sous le nom de «Gatsby». Et il est magnifique. Au départ, pourtant, rien ne semblait l’y destiner. A sa parution, en 1925, l‘œuvre de F. Scott Fitzgerald connaît un accueil positif, mais tempéré. Cependant, au fil des années, des décennies, sa réputation (c’est-à-dire sa charge, c’est-à-dire sa force d’attraction) n’a fait que grandir. On avait cru lire un petit roman charmant et superficiel ; léger et frais comme une fleur coupée, et appelé à connaître le même sort. Il s’est avéré avoir enterré l‘immense majorité de ses contemporains.

Succinctement, c’est l’histoire d’un type qui tombe amoureux en dehors de sa classe sociale et