Il y a peu, j’ai écrit dans la presse : «Quand on me demande pour qui je vais voter, je réponds que j’y réfléchirai quand j’aurai fini de creuser mon abri antiatomique.» Ce n’est pas la seule chose que je disais, bien sûr ; mais, comme cette phrase a été retenue en titraille, c’est la première, et peut-être la seule, que ma mère a lue. C’est plus fort que moi : parfois, j’oublie que ma mère est là, et qu’elle va me lire. Et comme j’oublie que ma mère est là, et qu’elle va me lire, je me laisse aller à parler de politique en public. Cette fois-ci, sans surprise, ma mère m’a trouvée théâtrale. Et «théâtrale» n’est pas une bonne chose dans la bouche de ma mère. Le mot s’accompagne d’un roulement d’yeux. Ou plutôt, il en est l’équivalent verbal. Quand elle le prononce, je l’entends lever les yeux au ciel.
Installée en France depuis bientôt un demi-siècle, ma mère a mis des années à décider d’entamer les démarches de naturalisation. Ce n’est rien de dire qu’elle s’est donné le temps de peser le pour et le contre. Toujours est-il qu’elle est devenue française plusieurs décennies après moi. Et qu’elle prend le vote très au sérieux. Aux municipales de 2020, par exemple, en pleine pandémie de coronavirus (avant qu’on ait des vaccins, et même des informations fiab