La langue déraille, disjoncte, mute. Elle cesse d’être salutation, cri, cadeau, ode, promesse, alarme. Et devient devise et drone. Un double processus de capture mercantile et de re-signification politique est en cours. D’une part, le langage, le plus abstrait des biens communs, est en train d’être colonisé par les entreprises techno-cybernétiques. D’autre part, les nouveaux discours fascistes se réapproprient les mots (antisémitisme, mémoire, femme, féminisme, viol, inceste…), qui avaient servi jusqu’ici d’instruments d’émancipation politique des subalternes, pour entamer une nouvelle extermination.
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Tout d’abord, une clôture numérique, semblable à celle mise en place sur les terres communes à la fin du Moyen Age précipitant la transition du féodalisme au capitalisme, s’opère aujourd’hui sur les terres communes des systèmes de communication verbale. Le capitalisme dans sa phase cybernétique pénètre ainsi le dernier territoire qui lui était refusé : l’espace immatériel des relations humaines codées au moyen de signes culturellement construits, le continent inconnu et insondable des cerveaux qui bouillonnent de mots jour et nuit, la société tout entière comme réservoir de créativité linguistique.
Ce processus de capture ne se fait pas à travers l’extériorité de l’institution gouvernementale, de l’usine ou du supermarché. L’administration est devenue un téléphone portable, l’usine un ordinateur, et le supermarché une application. Les trois ont fusionné et ont pris la forme et la