Vous souvenez-vous de David Copperfield ? Ce personnage si attachant de Charles Dickens, ce petit orphelin qui traverse un pays, une époque et une société – l’Angleterre victorienne – où un enfant démuni est une proie par excellence ? David Copperfield et Dickens ne sont pas la raison pour laquelle je suis devenue romancière, mais ils ont contribué à une idée de la littérature qui m’a longtemps portée.
Dans cette idée, il y a les mots et il y a le monde. Et si l’on trouve les mots – ceux qu’il faut, ceux qui disent au mieux le monde tel qu’il est –, ce dernier ne pourra que changer. Il n’aura pas le choix – croit-on. Il suffit de trouver les mots. Alors, ces mots, on les cherche, on les cherche, on croit les avoir trouvés. On les dit, on les écrit, et : rien. Rien du tout. C’est qu’on a dû mal faire, se dit-on. Mal dire. Mal écrire. Qu’à cela ne tienne. On y retourne. On va les chercher de nouveau. Car il suffit de trouver les mots. C’est une conviction, c’est une foi. C’est une force, c’est une faiblesse. Parfois, même, c’est une maladie.
Faire ployer le réel
C’est qu’il y a des antécédents, vous comprenez. La littérature a déjà fait ployer le réel. Ainsi, je pense tant à David Copperfield parce que j’ai entendu dire, dans ma jeunesse, que c’est Dickens qui a inventé l’enfance maltraitée, exploitée. Quand je dis qu’il l’a «inventée», je veux dire