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Robert Badinter et l’angoisse de juger, par Michaël Fœssel

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L’angoisse de juger sur laquelle misait le père de l’abolition de la peine de mort pour mettre un frein aux désirs de vengeance a laissé place à l’adoption de mesures pénales toujours plus répressives. Raison de plus pour se souvenir, avec Badinter, qu’il est bon d’hésiter longuement avant de condamner.
Robert Badinter, alors ministre de la Justice, après sa visite de la prison des femmes à Rennes, le 22 janvier 1982. (André Durand/AFP)
par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 14 février 2024 à 12h53

Les hommages quasiment unanimes rendus à Robert Badinter à la suite de sa disparition ont, comme il est d’usage dans ce genre de circonstances, voilé ce que ses engagements ont suscité d’oppositions violentes. On se souvient, certes, que l’abolition de la peine de mort et la dépénalisation de l’homosexualité ne se sont pas faites sans mal. Et que la défense d’accusés passibles de la peine de mort a valu à l’avocat Badinter de concentrer sur sa personne une somme incalculable de haines. Que la droite et, mezza voce, l’extrême droite saluent aujourd’hui le grand homme peut être interprété soit comme un signe d’opportunisme, soit comme la marque d’un nouveau consensus sur les fondamentaux de l’Etat de droit.

Le hasard des dates ne plaide pas, hélas, en faveur de l’hypothèse optimiste. Robert Badinter est mort peu après le vote d’une loi sur l’immigration instaurant la préférence nationale et deux jours avant que