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Chronique «Ecritures»

«Sa Majesté des mouches» ou la force de l’imaginaire, par Jakuta Alikavazovic

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Publié en 1954, le livre culte de William Golding est réédité, adapté en BD et exposé à Londres. Son pessimisme radical traverse les époques, mais sa noirceur ne dissimule-t-elle pas une source d’espoir paradoxale ?
Planche extraite de la BD «Sa Majesté des mouches», dessin, couleur par Aimée de Jongh, 352 pp., éditions Dargaud, 2024. (Ed. Dargaud)
par Jakuta Alikavazovic, écrivaine
publié le 16 novembre 2024 à 9h37

Il a fêté ses 70 ans cet automne. Pour un livre, ce n’est pas rien. Réédition, adaptation BD (1) – une expo lui a même été consacrée à Londres pour célébrer ça. Je suppose que vous en connaissez au moins le titre, au moins la trame. Le titre, emprunté à la Bible, est excellent : Sa Majesté des mouches. La trame est de celles dont les racines plongent loin dans l’histoire occidentale de la littérature, du côté de l’Odyssée, de Robinson Crusoé ou encore d’un roman pour enfants immensément populaire au XIXe siècle, l’Ile de corail par l’auteur écossais Robert Michael Ballantyne.

Il est question d’un accident d’avion, d’une bande de garçonnets échoués sur une île déserte. Qui s’affrontent et parfois s’entretuent. C’est un roman sur la défaite de la civilisation et le retour à la barbarie. Une tragédie où l’innocence rencontre un mal qui ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. Un mal qui serait le cœur secret de l’humanité.

Quant au roman lui-même, on connaît son retentissement – il inspire Peter Brook qui l’adapte au cinéma ; le film d’horreur japonais Battle Royale de Kinji Fukasaku, sorti en 2000, en pousse le principe à l’extrême puisqu’une loi nationale y oblige les élèves d’une classe de terminale à s’entretuer