Vous souvenez-vous du monde d’après, celui que tant d’hommes politiques appelaient de leurs vœux pendant l’épidémie de Covid ? Un monde vertueux dans lequel l’économie serait raisonnée, une société dans laquelle le sentiment de vulnérabilité remplacerait le fantasme de la toute-puissance, un monde dans lequel on prendrait garde et soin au lieu de prendre, de s’emparer. On s’en doutait, les températures et les versements de dividendes aux actionnaires ont continué de battre des records, et l’éventualité d’un monde d’après s’est évanouie. Place, aujourd’hui, au monde d’avant. Le présent a enclenché la marche arrière. Des mots, des actes, des discours s’en reviennent, qu’on croyait remisés dans l’histoire. Ils se sont peu à peu immiscés dans nos quotidiens et, constatant que la fenêtre dite d’Overton était grande ouverte, ils se sont mis à l’aise.
Pourquoi se gêneraient-ils, les mots, les discours, les actes, puisqu’on leur a obligeamment tenu la porte, relativisant leur portée, tergiversant sur ce que Stefan Zweig nomme «une rechute de la barbarie» ? Même la résurgence de ce mot-là, «nazi», ne stupéfie pas ou peu.