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Chronique

Si tu sais travailler sous protection policière, tu seras proviseur mon enfant, par Tania de Montaigne

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La démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel, après une altercation avec une élève sur son voile, rappelle à quel point être un chef d’établissement aujourd’hui c’est devoir composer chaque jour avec la terreur.
Lors d'un rassemblement organisé par le PS devant lycée Maurice-Ravel suite à la démission du proviseur, à Paris, le 29 mars 2024, (Bertrand Guay/AFP)
publié le 3 avril 2024 à 17h35

Si tu sais recevoir quotidiennement des menaces anonymes d’attentats, d’agressions, des vidéos de morts, de décapitations, tu seras chef d’établissement, mon fils.

Si tu sais y répondre sans jamais dévier, sans jamais désespérer d’être si souvent seule face à une hiérarchie qui, maintes fois, vacille au premier tweet, qui se tétanise face à celui ou celle qui crie le plus fort, qui préfère ton silence à la contre-attaque, tu seras proviseure, ma fille.

Si tu sais supporter qu’un incident qui devrait n’être qu’un moment dans la vie d’un établissement ; qu’un épisode qui, normalement ferait l’objet d’une discussion dans un bureau entre les concernés, soit jeté sur la place publique et devienne une affaire sur laquelle chacun se prononce sans avoir ni les tenants ni les aboutissants, tu seras enseignant, mon fils.

Si tu sais faire face aux mensonges d’élèves en mal de publicité, aux hackeurs planqués ici ou ailleurs, aux trolls, aux haters (haineux), aux parents pleins de bruit et de fureur préférant s’en prendre à l’institution plutôt que de faire face aux manquements de leur progéniture, aux irresponsables gonflés du petit pouvoir narcissique que donnent un clavier et une connexion 5G, tu seras professeure, ma fille.

Si tu sais être montré du doigt,

Si tu sais être jetée aux lions,

Si tu sais être harcelé, cyberharcelé,

Si tu sais travailler sous protection policière, sous tweets vengeurs, sous posts Instagram belliqueux, sous vidéos Tik Tok agressives, sous vigipirate, sous