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Chronique «Si j'ai bien compris...»

Sincère à rien, par Mathieu Lindon

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Chronique «Si j'ai bien compris…»dossier
Est-il vraiment utile de faire montre de sincérité si on a l’ambition d’être un jour élu ? N’est-ce pas un trait de caractère qu’il est plus urbain de garder pour soi ?
Même si on n’est pas politicien, on doit admettre, si on est vraiment sincère, qu’il y a force bons vœux qu’on aurait volontiers gardés pour soi. (Getty Images)
publié le 24 novembre 2023 à 12h56

Si j’ai bien compris, on reproche souvent aux hommes (et femmes) politiques leur manque de sincérité. Est-on soi-même bien sincère en faisant ce reproche car on se demande qui serait élu s’il disait vraiment ce qu’il pense ? Peut-être que la sincérité est une chose trop précieuse pour être dilapidée inconsidérément. Il faut en user avec modération en choisissant ses interlocuteurs et en comptant sur leur indiscrétion bien tempérée. Peut-être que tout le monde pense que «les Français sont des veaux» mais tout le monde n’est pas le général de Gaulle, et prononcer une telle phrase réclame une certaine envergure et une police efficace.

Peut-être que Marine Le Pen et les militants du Rassemblement national ne sont pas tous aussi philosémites qu’elle le prétend aujourd’hui avec un succès pas si mitigé, et peut-être que Jean-Luc Mélenchon ne flirte avec l’antisémitisme que par calcul électoral tout en ne campant pas sur cette position. Il n’y a pas, parfois, l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre la sincérité et la gaffe, la bourde pure et simple et jusqu’au couac resplendissant.

D’ailleurs, on ne demande pas à nos futurs élus la sincérité mais l’accent de la sincérité, parce qu’il ne faut pas exagérer, on est compréhensifs. Nous aussi, il nous arrive d’être généreux, solidaires et indignés, mais il survient