Menu
Libération
Chronique «Ecritures»

Un jour, la peur pour seul horizon

Article réservé aux abonnés
Chronique «Ecritures»dossier
La veille, ils étaient des gens, comme vous, comme moi, ils pensaient que la vie était une ligne droite. Infinie. Et puis, le jour d’après, plus rien. Des lignes brisées. C’était fini. On retenait son souffle.
publié le 5 mars 2022 à 6h48

Et puis, un matin, c’était la guerre.

Bien sûr, avant ce matin-là, il y avait eu d’autres guerres. Ça n’était pas la première. Et, sans trop vouloir s’avancer, on pouvait aisément penser que ce ne serait pas la dernière. Ça n’est jamais la dernière guerre. Il y aura toujours quelqu’un, quelque part, qui veut croire que l’espace lui appartient, que les autres lui appartiennent, que c’est celui qui dit qui y est. Il y aura toujours quelqu’un, quelque part, qui voudra ériger des empires et les contempler du haut de sa grandeur. C’est triste, mais, depuis que le monde est monde, c’est ainsi que les choses se passent. Il n’y a pas de leçon de l’Histoire, c’est un éternel recommencement.

Alors, un matin, ce fut la guerre.

Il y avait eu d’autres matins, ici et ailleurs, d’autres aubes où des femmes et des hommes se réveillent avec la peur pour seul horizon. Plus rien d’autre que l’attente du pire. La veille, ils étaient des gens, comme vous, comme moi, ils étaient dans la banalité du quotidien. Ils s’étaient sûrement dit des phrases simples et ordinaires, de celles qu’on prononce sans y prêter attention plus que ça, des «à demain !», des «je vais rentrer un peu tard, mais on se voit la semaine prochaine», des «qu’est-ce que tu fais ce week-end ?». La veille, il y avait sûrement eu des plannings, des perspectives, des projets, des idées pour l’avenir. La veille, ces gens, comme vous, comme moi, pensaient que la vie était un horizon. Une ligne droite. Infinie. Et puis, le jour d’après,