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Libération
Chronique de Tania de Montaigne

Une vie à tenir le cap

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Chronique «Ecritures»dossier
Vivre dans la pauvreté est un sacerdoce. C’est l’histoire d’une assignation, de la naissance jusqu’à la retraite, qui veut que l’on n’attende rien de vous. A part de la discrétion et de la soumission.
Photomontage de piétons traversant une rue de Paris. (Jacques Loïc /Photononstop. AFP)
publié le 19 janvier 2023 à 7h17

Elle regrettait souvent que la journée de lutte contre la pauvreté ne dure pas toute l’année. Mais la nature humaine est ainsi faite qu’elle aime le spectaculaire et, elle, n’était pas spectaculaire. Elle était juste pauvre. Le spectacle était du côté des riches, et tout le monde se passionnait pour les riches. En livres, en films, en séries. Tout le monde voulait aimer ou haïr les riches. La lumière était du côté des riches, et tout le monde voulait être dans la lumière.

Elle, ne suscitait, le plus souvent, qu’une indifférence polie ou gênée. Il arrivait aussi qu’on lui fasse la leçon si, d’aventure, elle roulait avec sa vieille voiture diesel Crit’Air 4. Des gens qui se croyaient du côté du Bien lui disaient, alors, qu’elle polluait trop et qu’elle ferait mieux de se mettre aux transports en commun ou au vélo, comme tout le monde. Là où elle habitait, il n’y avait qu’un bus qui passait toutes les heures en semaine, toutes les deux heures le week-end, et elle était trop loin du centre pour envisager le vélo. Pourtant, elle se disait souvent qu’il y aurait beaucoup à apprendre d’elle qui arpentait chaque jour les angles morts de la