Il semblerait que le mot «radical» ait subi le même sort que le mot «bienveillance». Cuisiné à toutes les sauces, il a perdu son sel et son sens. «Radical» est désormais devenu une étiquette de surface qui permet à ceux qui l’utilisent de faire l’économie de l’autre, voire de l’éliminer purement et simplement. Un peu comme le préfixe «pro». Dire qu’on est «pro» c’est, à présent, placer tous les autres, ceux qui n’auraient pas exactement le même point de vue que vous, du côté des «anti».
C’est ainsi que la bataille pour l’avortement s’est un jour retrouvée réduite à un combat entre des gens auto-baptisés «pro-life» et, d’autres devenant par renversement sémantique des «anti-vie». Tour de passe-passe permettant d’effacer instantanément de l’équation le sujet de départ, la liberté pour les femmes de pouvoir disposer de leur corps.
La magie du «pro», c’est que l’appellation écarte tout ce qui pourrait donner lieu à une élaboration ou à une réflexion. Il suffit simplement de choisir son camp. Etes-vous du côté du bien ou du mal ? C’est oui ou c’est non ? C’est «pro» ou c’est «anti» ? Avec le mot «radical», le renversement est le même. On peut dire d’un propos raciste qu’il est une opinion «radicale» et mettre ainsi un signe «=» entre un crime ou un délit et un point de vue. Par exemple, «radical»