Menu
Libération
Chronique Ré/jouissances

Otan pour vous!

Article réservé aux abonnés
Chronique «Ré/Jouissances»dossier
Monologue imaginaire de l’Alliance atlantique, à nouveau désirée pour sa puissance de feu américaine par des Européens qui manquent de capacités de rétorsion face à Poutine.
( )
publié le 29 mars 2022 à 0h40

Je suis une vieille dame qu’on se remet à courtiser, si ce n’est à brusquer, depuis que le satrape du Kremlin fait hurler ses chars, en Ben Hur imprévisible. A nouveau, on compte sur moi, l’Otan, pour arrêter Poutine, pour stopper sa course folle vers l’abîme et couper court aux dévastations de la grande faucheuse, pour sauver les blés de la grêle et rentrer les délicates moissons sous l’orage.

J’aurai bientôt 73 ans et ces derniers temps les plus anciens de mes 30 courtisans me négligeaient. Trump avait refusé d’augmenter ma pension de réversion et Macron m’avait déclaré en état de mort cérébrale. Grognons, sinon rustauds, tous me laissaient me balancer sur mon rocking-chair isolationniste et prolonger mes siestes sous la véranda de ma maison de Cape Cod. Tandis qu’on me caricaturait en bique belliqueuse devenue âme bêlante, mes prétendants se pendaient aux couettes fouetteuses de Greta Thunberg et se désintéressaient de mes missiles de croisière entreposés au Pentagone. Désobligeants, les uns et les autres jouaient aux osselets avec mon acronyme, comme si j’étais déjà passée de vie à trépas. En fils ingrats, ils me sifflaient aux oreilles des «Otan pis», des «Otan périt» et des «Otan en emporte le vent».

Née de la cuisse de Clausewitz

La cohorte des arguments est ancienne chez ceux qui m’exhortent à rejoindre le pavillon des cancéreux et le service des soins palliatifs. Se mélangent les ressentiments idéologiques et les avarices économiques. Les nostalgiques soviétiques du Pacte de Varsovie, rhabillés ide