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Interview

Panne informatique mondiale : «C’est quand l’outil se casse que nous le voyons pour la première fois»

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Ce bug mondial du 19 juillet devrait permettre à chacun de réfléchir au fait que la rhétorique commerciale des Gafam et sa promesse d’un «impératif fonctionnel» nous dépossède de toute maitrise, analyse Marcello Vitali-Rosati, professeur à l’Université de Montréal spécialiste des écritures numériques.
A l'aéroport Ronald-Reagan de Washington, vendredi 19 juillet. (NATHAN HOWARD/Getty Images via AFP)
publié le 19 juillet 2024 à 19h22

Quelle leçon tirer du bug mondial causé par CrowdStrike, une société inconnue du grand public jusqu’à ce vendredi 19 juillet ? Auteur d’un Eloge du bug (la Découverte, Zones, mai 2024) Marcello Vitali-Rosati est professeur à l’Université de Montréal et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques. Ce philosophe du code et des algorithmes invite à profiter de ce temps de pause imposé pour questionner nos pratiques collectives, et mettre en lumière la rhétorique commerciale des Gafam qui, derrière la promesse d’un «impératif fonctionnel», nous dépossède de toute maitrise.

Cette situation est-elle inédite ?

Ce qui est étonnant, c’est que ça n’arrive pas plus souvent. Des bugs surviennent tout le temps, et c’est heureux. Le bug révèle l’outil, la cassure nous permet pour la première fois de le regarder, selon le principe heideggérien. Tant que nous martelons, nous ne réfléchissons pas à ce qu’est un marteau et à son utilité.

La nouveauté de celui-ci est qu’il nous révèle une architecture complexe et une concentration sans précédent de plateformes. Soudain, on se rend compte qu’une quantité énorme d’entreprises dépend d’une seule société qui est privée. Personne ne savait jusqu’à ce vendredi matin ce qu’était CrowdStrike ni ce qu’il y a dan