Ces dernières années, nombre d’analystes se sont cassé les dents en tentant d’analyser l’atmosphère de désenchantement politique et le climat d’ultradéfiance, voire de haine, à l’égard des autorités publiques. De la fameuse «fracture territoriale» à l’«archipélisation» (Jérôme Fourquet) de la société, en passant par la «France périphérique» (Christophe Guilluy). Des grilles de lecture parfois révélatrices mais aussi incomplètes. La contestation sociale semble s’être durcie en même temps qu’elle est devenue difficilement lisible et disparate. Historien et sociologue, Pierre Rosanvallon s’y colle à son tour dans les Epreuves de la vie. Comprendre autrement les Français (Seuil). Selon lui, si l’identité de classe, la question du pouvoir d’achat ou des inégalités sont toujours pertinentes pour comprendre le rapport au politique des citoyens, s’y «superposent» désormais des préoccupations plus subjectives, plus immédiates et directement sensibles, liées aux «épreuves» de la vie, au respect de l’intégrité des individus.
Vous partez d’un constat unanimement partagé : le paysage social s’est brouillé, il est presque devenu illisible. Comment l’expliquez-vous ?
La matrice générale des protestations du XXe siècle était pour l’essentiel centrée sur le conflit entre le capital et le travail, le patronat et les salariés. Les préoccupations portaient sur la répartition entre les salaires et les profits, la priorité à accorder ou non à la redistribut