Depuis quelques mois, nous assistons à une série de polémiques que l’on pourrait définir, en déclinant l’expression bien connue de Judith Butler, comme «trouble dans la représentation». La plus récente concerne la possibilité de la traduction de la poétesse Amanda Gorman par l’écrivain·e néerlandais·e Marieke Lucas Rijneveld.
Contre l’avis de ceux qui pensent que ces polémiques ne font qu’alimenter une tension identitaire stérile (bien qu’ils le fassent) et malgré la violence qui s’abat injustement sur le·a traducteur·rice (il est absurde de tuer le messager, surtout si le messager est un auteur du genre non binaire dont l’œuvre est en soi un acte de résistance politique), je voudrais parier sur le caractère potentiellement productif (et non destructeur) de ces débats. A condition d’abord de sortir de la dialectique essentialisme/universalisme, et puis de les comprendre comme une opportunité de dépatriarcaliser et de décoloniser les industries culturelles.
Avant de pouvoir donner une réponse à la question de savoir qui peut traduire un texte, il est nécessaire de reconnaître que la question est en soi pertinente. Il s’agit de mettre en évidence la dimension à la fois artistique et politique de certaines des pratiques invisibilisées et dégradées de l’industrie culturelle. La traduction et la correction sont à l’industrie de l