Parfois, mes pas de joggeur du dimanche me mènent en bord de Seine, sur l’île Saint-Germain, échouée loin du faubourg parisien du même nom. Ayant salué la grimaçante tour aux Figures de Dubuffet, je détaille les maisons d’architectes colorées qui attendent la prochaine crue, montées sur pilotis. Je passe en revue les péniches brossées de frais, amarrées aux rives manucurées, romanichelles longtemps hirsutes devenues bohémiennes épouillées.
Arrivé tout au bout, dans le bucolique jardin partagé au véganisme certifié, je contemple l’île Seguin, la voisine en vis-à-vis à la transformation inaboutie. Depuis que François Pinault en a exfiltré son musée rêvé, ses flancs de béton peinent à accoucher d’un projet déterminé. Abandonné par Renault voici trente ans, le paquebot défunt de la Régie ne résonne plus du martèlement des tôles embouties. Il ne sort plus ni 4 CV ni Super 5 de ses entrailles de métal. L’entreprise est partie accoucher ailleurs, en Roumanie, en Argentine ou en d’autres contrées moins revendicatives.
Depuis la rive de la civilisation des loisirs où pianotent les télétravailleurs, où musardent les préretraités et où s’ennuient les «inoccupati», je tente de réveiller les fantômes en bleu de chauffe qui empruntaient les passerelles ferraillantes des Trente Glorieuses aux heures où bramait la sirène des trois-huit. Je réinvente le Sartre gauchiste, dressé sur son tonneau débondé, venu désespérer Billancourt et défier la CGT stalinienne qu’il avait tant ménagée dan