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Entretien

Réjane Sénac : «Animaliser, c’est déshumaniser, et donc dépolitiser»

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Dans un court essai, la politiste appelle à élargir le principe d’égalité aux vivants non humains, et à créer des alliances entre les luttes antisexistes, antiracistes et antispécistes.
En 2017, à Paris, lors d'une manifestation des associations Vegan Impact et Peta France (Magali Cohen/Hans Lucas. AFP)
par Sarah Finger, correspondante à Montpellier
publié le 3 avril 2024 à 19h34

La question animale est-elle devenue une question politique ? Pas assez, estime la chercheuse Réjane Sénac, directrice de recherches CNRS à Sciences-Po dans un court ouvrage intitulé Comme si nous étions des animaux à paraître le 5 avril («Libelle», Seuil). Pour cela, elle doit se lier aux autres formes d’émancipation, faire synergie avec les mouvements de justice sociale, écologistes, féministes ou antiracistes. Reste à trouver le moyen de nouer ces alliances politiques…

Le titre de votre ouvrage interroge. A quoi fait-il référence ?

Cette expression a été utilisée, il y a quelques mois, par un livreur indépendant ; il dénonçait la fin brutale du contrat qui le liait à une plateforme, et déclarait que lui, ainsi que ses collègues, avaient été traités comme s’ils étaient des «animaux». On se souvient aussi de cette ministre qui fut comparée à un «singe», ou d’ennemis, y compris des civils, qualifiés de «vermine» ou d’«animaux» pour justifier leur massacre… Le renvoi à l’animalité, considérée comme un défaut suprême d’humanité, vise à exclure l’autre de la communauté politique et juridique, à le sortir de l’Etat de droit. Animaliser, c’est déshumaniser, et donc dépolitiser. C’est aussi occulter que nous sommes tous des animaux. S’interroger sur notre rapport aux animaux non humains questionne ainsi notre héritage et notre attachement à un ordre social et politique anthropocentré.

Quelle est, selon vous, la place de la question animale dans les luttes sociales ?<