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Entretien

Serge Paugam : «Quand une réforme est jugée injuste, le conflit social remet les choses en ordre»

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Pour le sociologue, qui publie le résultat de plusieurs années de recherche sur les formes de la solidarité, la mobilisation contre la réforme des retraites dépasse le seul cadre des revendications catégorielles.
Lors de la manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 7 février. (Boby/Libération)
publié le 7 février 2023 à 13h17

Des années que l’on dit la société française divisée, le pays en perte de référentiel commun, la nation disloquée en de petits îlots s’ignorant les uns les autres. Peut-être pas tant que ça. En témoigne le record de manifestants contre la réforme des retraites depuis le début du mouvement, qui s’apprêtent à remettre le couvert samedi dans la rue. «Si nous sommes de plus en plus soumis à l’injonction d’autonomie, si le mérite individuel est parfois encouragé au détriment du collectif, nous sommes malgré tout des êtres sociaux et solidaires», assure le sociologue Serge Paugam, qui fait paraître l’Attachement social. Formes et fondements de la solidarité humaine (Le Seuil), fruit de dix années de recherche théorique et empirique. Selon le directeur de recherches au CNRS et directeur d’études à l’EHESS, le modèle social français, longtemps soutenu par l’Etat lui-même, tend à s’étioler par le biais de projets gouvernementaux qui pénalisent les plus précaires, de la réforme des retraites à celui de l’indemnisation chômage.

On dit beaucoup la société française fragmentée, «archipélisée». Mais que penser du succès des récentes mobilisations contre les retraites ?

C’est, en effet, la solidarité qui me frappe dans ce mouvement. Il dépasse le cadre habituel des revendications catégorielles, de la lutte d’un corps professionnel pour défendre ses droits, et mobilise une grande partie de