Un geste de défiance après un retour de bâton aussi violent qu’inattendu. Blessé à l’oreille, plaqué au sol par le Secret Service, une coulée de sang ruisselant sur son visage, pressé par son entourage d’évacuer l’estrade, hagard et marmonnant des bouts de phrases incohérents sur ses chaussures, l’ex-président américain Donald Trump a eu un seul instinct, le seul qui comptait : se remettre debout, pour lever le poing en l’air à plusieurs reprises, boxant un ennemi invisible face aux caméras et sous les acclamations de ses partisans. Un ultime signe de défi.
Et c’est l’image qui restera dans l’Histoire. Car si les faits concernant la tentative d’assassinat de Donald Trump samedi lors d’un meeting de campagne en Pennsylvanie sont loin d’être complètement établis, on en sait suffisamment pour craindre l’ouverture d’une séquence inédite de violence politique aux Etats-Unis.
Les meetings de campagne de Donald Trump ont souvent été marqués par la violence ou par la menace de violence, mais dans le sens inverse. Des manifestants ont été agressés, quelques fois avec les encouragements du candidat républicain. Et le cas de violence politique le plus grave de l’histoire récente des Etats-Unis s’est produit le 6 janvier 2021, après un rassemblement de Trump à Washington, lorsqu’une foule incitée par le président sortant a attaqué et mis à sac le Congrès au Capitole, blessant grièvement des policiers. Certains manifestants ont érigé une potence, et ont déclaré qu’ils recherchaient la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le vice-président Mike Pence, accusé d’infidélité envers leur idole.
Dans la tentative d’assassinat de ce samedi, que le mobile de l’assaillant soit politique ou qu’il soit lié à des troubles mentaux, la conséquence risque d’être la même : plonger l’Amérique dans une nouvelle ère de violence et contre-violence politiques. Le soutien d’Elon Musk à la candidature de Donald Trump publié moins d’une heure après l’attentat sur X, le réseau social que le milliardaire a acheté lorsqu’il s’appelait encore Twitter pour le transformer en machine de haine et désinformation, ne doit rien au hasard. Sous l’encouragement incessant du candidat républicain, les Etats-Unis vivent ces dernières années une sorte de guerre civile au ralenti, caractérisée par des divisions croissantes et menée par des citoyens radicalisés se nourrissant d’une haine propagée par leur chambre d’écho sur les réseaux sociaux. Il appartient maintenant aux leaders du camp de la raison américain de bloquer une possible escalade de la violence, dont les conséquences seraient plus terribles encore.