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A Mayotte, la solution ne dépend pas du ministère de l’Intérieur, par François Héran

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L’opération Wuambushu risque de se poursuivre mais l’usage de la force ne réglera rien, une reprise des négociations pour un espace de circulation sur l’ensemble de l’océan Indien occidental est nécessaire, estime le démographe.

Le quartier Talus 2 du bidonville de Majicavo, à Mayotte, le 21 avril. (Chafion Madi/AFP)
Par
François Héran
Professeur au Collège de France, chaire «Migrations et sociétés»
Publié le 27/04/2023 à 11h04

Gérald Darmanin a lancé l’opération Wuambushu («reprise», voire «reconquête»…) sur les bidonvilles de Mayotte à grand renfort de moyens : environ 2 000 policiers et gendarmes. Mais la justice locale vient de la suspendre en relevant l’absence de garanties pour le relogement des personnes non expulsables. Le ministère assure que l’opération se poursuivra dans les règles et qu’il apportera aux juges les garanties requises.

A l’en croire, il s’agirait presque d’une opération humanitaire. Pour qui connaît l’histoire de l’île, cependant, l’opération Wuambushu s’inscrit dans le droit fil des «décasages» régulièrement pratiqués par des collectifs d’habitants qui effectuent des descentes dans leur voisinage pour détruire les habitats de fortune et chasser les habitants, considérés comme autant d’intrus et de clandestins. Cette pratique avait atteint un pic en 2016. Elle s’est poursuivie depuis. Il est, certes, louable, dans un Etat de droit, d’empêcher que les habitants ne fassent justice eux-mêmes, mais, en l’occurrence, l’opération Wuambushu court-circuite la justice en prenant directement le relais de la vindicte populaire : c’est désormais l’ensemble de l’île qu