Il en va du crédit des gouvernants auprès des électeurs comme de la crédibilité d’un récit auprès de ses lecteurs : elle tient à un fil, fragile, qui se rompt dès que la figure du narrateur cesse d’être jugée fiable. Depuis le cyclone Katrina en 2005, les commentateurs politiques américains ont forgé une expression devenue presque proverbiale : le «moment Katrina» d’une présidence. L’image de George W. Bush survolant en hélicoptère les quartiers inondés de la Nouvelle‑Orléans avait discrédité la fable du «conservatisme compassionnel» sur laquelle il avait fait campagne à deux reprises.
Ce jour‑là, l’Amérique découvrait un «unreliable narrator», un «narrateur peu fiable», incapable d’honorer le récit qu’il avait vendu à ses électeurs. Son discrédit n’était pas seulement politique ou moral, mais narratif. Après Bush, le «moment Katrina» s’est imposé comme la métaphore d’un effondrement du crédit d’un président dans l’opinion, un véritable krach narratif.
Lors du premier mandat de Trump, l’expression avait déjà fait florès. Elle avait surgi au cœur de la crise du coronavirus. Ses conférences de presse transformées en shows, ses dénégations bravaches face à un virus qui tuait par milliers, semblaient sonner le glas de sa présidence. Beaucoup y vire