L’enfer est pavé de bonnes intentions, croyait-on jusqu’ici. Si l’on s’en prenait aux œuvres dans les musées, c’était pour alerter sur le changement climatique. Pour défendre de nobles causes. Lorsque je m’en offusquais, mes amis les plus jeunes répondaient : «Aux grands maux, les grands remèdes !» (il y a une dimension générationnelle dans la sanctification de l’art). Or, quitte à passer pour un boomer, sur le plan éthique aussi bien que pratique, une telle réponse ne me convenait guère – la définition du mal demeurant partiale, quand le remède détériore aveuglement. Suivant la théorie du continuum des violences, je devinais que haïr une œuvre suffirait bientôt à se sentir autorisé à la tutoyer, à lui cracher à la figure, à la tuer.
A lire aussi
Chaque jour qui passe confirme ce présage. En mai 2023, une œuvre de Miriam Cahn est maculée de peinture au Palais de Tokyo par un ex-élu du Front national. La scène qu’elle figure a indigné une députée RN, incapable de distinguer le réel de sa transposition – ou si l’on préfère : l’acteur qui joue Hitler et Hitler dans la vraie vie. Cette semaine, au centre Pompidou-Metz qui l’expose par ailleurs, la performeuse autoproclamée Deborah De Robertis a revendiqué le tag d’un «#MeToo» sur l’Origine du monde. L’AFP précise