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TRIBUNE

Agresser une œuvre d’art n’est pas une performance mais une preuve de lâcheté absolue

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Cette semaine, «l’Origine du monde» de Courbet a été vandalisé au centre Pompidou-Metz. Pour l’écrivain Arthur Dreyfus, il faut cesser de glamouriser ce geste, même lorsqu’il prétend dénoncer «les abus dans le monde de l’art». Si chacun détruit pour soi, les musées seront bientôt vides.
Extrait d'une vidéo de Deborah De Robertis, qui a revendiqué le tag #MeToo sur «l’Origine du monde», au centre Pompidou-Metz. (Capture vidéo Deborah de Robertis)
par Arthur Dreyfus
publié le 11 mai 2024 à 19h21

L’enfer est pavé de bonnes intentions, croyait-on jusqu’ici. Si l’on s’en prenait aux œuvres dans les musées, c’était pour alerter sur le changement climatique. Pour défendre de nobles causes. Lorsque je m’en offusquais, mes amis les plus jeunes répondaient : «Aux grands maux, les grands remèdes !» (il y a une dimension générationnelle dans la sanctification de l’art). Or, quitte à passer pour un boomer, sur le plan éthique aussi bien que pratique, une telle réponse ne me convenait guère – la définition du mal demeurant partiale, quand le remède détériore aveuglement. Suivant la théorie du continuum des violences, je devinais que haïr une œuvre suffirait bientôt à se sentir autorisé à la tutoyer, à lui cracher à la figure, à la tuer.

Chaque jour qui passe confirme ce présage. En mai 2023, une œuvre de Miriam Cahn est maculée de peinture au Palais de Tokyo par un ex-élu du Front national. La scène qu’elle figure a indigné une députée RN, incapable de distinguer le réel de sa transposition – ou si l’on préfère : l’acteur qui joue Hitler et Hitler dans la vraie vie. Cette semaine, au centre Pompidou-Metz qui l’expose par ailleurs, la performeuse autoproclamée Deborah De Robertis a revendiqué le tag d’un «#MeToo» sur l’Origine du monde. L’AFP précise