«Vous, vous êtes capable de faire de la prison.» Ce «bel éloge» fut adressé par un compagnon de cellule à l’écrivain Varlam Chalamov, bientôt envoyé dans les camps de la Kolyma. C’était en 1937. Aujourd’hui, dans la Russie poutinienne, la détention reste une «compétence» et un défi à relever pour ceux qui rêvent d’un Etat démocratique.
Alexeï Navalny aurait mérité, lui aussi, cet éloge. Il était «capable» de faire de la prison. Il l’a prouvé par son courage, son sens de l’humour, sa foi absolue dans sa cause, que n’avaient pas entamé deux ans et demi de colonie à régime sévère et près de trois cents jours de cachot. C’est cette foi qui l’avait poussé à rentrer en Russie en janvier 2021. Il se remettait alors tout juste de la tentative d’empoisonnement qui avait failli, déjà à l’époque, lui coûter la vie. Sa place était là-bas, disait-il : en prison – et il savait qu’il serait arrêté – il continuerait à incarner l’opposition, en exil sa voix serait inaudible pour les Russes.
Alexeï Navalny avait prévu l’éventualité de son assassinat. Dans le film que Daniel Roer lui consacra en 2022, il formulait un