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TRIBUNE

Instrumentalisation de l’antisémitisme : le piège identitaire du RN

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L’instrumentalisation de la mémoire de la Shoah permet au RN de Marine Le Pen et Jordan Bardella de se poser en protecteur des Juifs dans sa conquête du pouvoir, en imposant le clivage entre les «nationaux» et «l’anti-France» islamo-gauchiste antisémite, estime l’historien Sébastien Ledoux.
Discours de Marine Le Pen à la soirée électorale des soutiens de Jordan Bardella après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, à Paris, le 9 juin. (Denis Allard/Libération)
par Sébastien Ledoux, Historien, maître de conférence à l’Université de Picardie Jules-Verne
publié le 20 juin 2024 à 19h23

Si elle est portée par les associations juives depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mémoire de la Shoah entre, au cours des années 1980, dans une nouvelle étape : elle devient un objet à la fois de polarisation et de socialisation politique, ce qui l’amène à sortir définitivement de son cadre communautaire initial.

Suite à plusieurs polémiques internationales (l’affaire du Carmel d’Auschwitz en 1985, l’affaire Waldheim en 1986) et nationales (Darquier de Pellepoix puis Faurisson sur la «rumeur d’Auschwitz» en 1978-1979, les affaires Roques en 1986 et Notin en 1990, l’affaire du «détail» de Jean-Marie Le Pen en 1987), cette mémoire est progressivement investie d’une norme à la fois morale et politique (la loi Gayssot de 1990 pénalise la contestation du génocide) que Jean-Marie Le Pen et les cadres du Front national se plairont à transgresser régulièrement.

Du côté de la socialisation politique, l’engagement pour la défense de la mémoire de la Shoah et le rejet du discours négationniste se mêlent alors de façon indissociable à un engagement citoyen dans la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, que ce soit dans le milieu associatif, politique et médiatique. Le point d’orgue de cette socialisation politique de la mémoire de la Shoah est la mobilisation de centaines de milliers de Français qui descendent dans la rue à la su