On dira que je suis déprimé, vieux, abîmé, frustré, on dira ce qu’on voudra. On ne dira rien aussi bien. Parce que ça n’intéresse personne. Parce que personne ne s’intéresse vraiment à personne. Moi-même, je crois que je m’en fous désormais, ou bien j’ai peur d’en arriver à définitivement m’en foutre, de tout. Et sans doute que ce que j’ai à dire, des choses homosexuelles en province, n’intéressera pas grand monde. Pourtant, c’est la vie, c’est la vie de certains, et la vie de certains, ça devrait être toute la vie, quel que soit le nombre de personnes concernées.
J’ai quitté Paris pour des raisons personnelles et familiales, j’ai 48 ans, me revoilà dans les Pyrénées, mon pays d’enfance. Ça s’appelle Tarbes, Lourdes, Pau, les montages, les plaines, la famille, tout ça. Les noms sont les mêmes mais je ne reconnais plus rien. Pour n’être pas seul, pour qu’il se passe parfois quelque chose, il y a le sexe, ou son alibi, et un pauvre lieu de drague en bord de fleuve, peu fréquenté et dangereux : des agressions y ont lieu. Il y a donc les applis et les sites.
Quand j’étais jeune, vers la fin de l’époque sida, le monde homosexuel était opaque, tabou, marginal, caché, mais il était partout. Ça draguait dans la rue, à la piscine, dans les jardins publics, il y avait deux lieux de drague pleins de monde et de voitures aux phares allumés comme autant de lucioles. Il y avait même un sauna, et une boîte de nuit,