Nous, victimes du Mediator, sommes aujourd’hui abasourdies à la lecture du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 29 mars 2021. Le tribunal juge que les laboratoires Servier nous ont vendu un poison dont ils connaissaient les risques mortels depuis 1995. Le tribunal reconnaît aussi le désastre humain qui s’en est suivi et dont nous sommes des rescapées. Servier est reconnu coupable de tromperie aggravée mais il n’est pas puni ! En effet, les condamnations ordonnées (prison avec sursis, amende de 2,7 millions d’euros) sont indécentes et donc incapables de restaurer la confiance détruite dans le système de santé.
Comment comprendre que le principal dirigeant de Servier ait été condamné à quatre ans de prison avec sursis, alors que les coupables du scandale des prothèses mammaires PIP avaient été condamnés à de la prison ferme ? Alors qu’un dirigeant d’officine pharmaceutique vient juste d’être condamné à six mois de prison ferme pour avoir vendu du faux gel hydroalcoolique ? Avoir conduit 5 millions de personnes à prendre un produit toxique, voire mortel, serait-il moins grave que de frauder sur la teneur en alcool du gel hydroalcoolique ?
Cela est pour nous inconcevable.
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Beaucoup d’entre nous se sont désistées des procédures pénales en faisant confiance à la justice pour condamner les responsables du drame que nous vivons, à la hauteur des délits commis et des profits réalisés sur le dos de notre santé et des finances publiques. L’enquête des juges d’instruction et les réquisitions du procureur nous avaient laissé espérer une justice exemplaire et ferme. Nous attendions un message juste et fort à l’égard de Servier mais aussi des autres industriels du médicament, des experts et des professionnels de santé, pour leur rappeler qu’il est impossible de faire des paris économiques sur la vie des patients.
Dix ans d’instruction, sept mois d’audience, neuf mois de délibéré pour aboutir à un jugement pas à la hauteur des enjeux, quelle déception ! Le jugement rendu envoie un message de laxisme qui ne conduira pas à un changement des pratiques ni à rétablir la confiance des patients. Nous ne pouvons pas nous résigner à une justice complaisante à l’égard des industriels de santé. Pour ces raisons, nous demandons au parquet de faire appel.
Signataires : Sandra, Christian et Karim Bertolino ; Nicole Billard ; Lisa, Guillaume et Frédéric Boussinot ; Katia Cordoba ; Michel Due ; Maryvonne Medjadji ; Nathalie Meunier ; Laila Naggaoui ; Bernard Niccoli ; Danièle Ribeira.